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Date de création : 14.01.2008
Dernière mise à jour : 01.09.2025
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Perte collective

Publié le 20/04/2015 à 00:30 par sensvie Tags : suicide vie merci moi roman chez article mort soi chien

 

J'écris cet article sans savoir où cela va mener. J'ai très récemment perdu quelqu'un de ma famille suite à un suicide. Outre la tristesse que je peux ressentir face à la disparition, je n'arrête pas de penser au concept du suicide et de toutes ses conséquences.

 

Je suis impressionné par la force de conviction qu'il faut pour se suicider et ce, quel que soit le moyen utilisé. Il y a une rage de détermination qui guide la personne et qui lui donne la force d'aller jusqu'au bout. Associée à cette énergie destructive, il y a aussi une vision claire de la méthode de réalisation. Une froideur de l'exécutant, une froideur de machine.

C’est peut-être la première chose qui me choque : ce mélange entre une volonté aveuglante et une clarté dans la direction. Comment peut-on faire quelque chose de si terrible et en même temps être si sûr de soi ? Comment ne pas trembler de tout son corps au point de ne pas réussir à le faire ? Comment ne pas avoir peur de la souffrance, des possibilités d’échec ou d’éventuels regrets ? Ces questions ne sont peut-être qu’une interprétation imaginée par mon esprit torturé, mais c’est ce que je ressens suite à ce terrible événement.

La seule réponse que je vois à ce paradoxe d’aveuglement et de clarté, c’est la notion de coup de « folie ». Une sorte d’œillère absolue qui se créé quand un mal être nous prend et que nous ne pouvons plus le contrôler. A ce moment-là, une seule solution nous apparait comme possible et nous nous lançons dans cette folie qu’est le suicide. Ce n'est pas un choix, mais une fuite.

Un mal être, une dépression, cela peut durer longtemps. Mais je crois que ce sont les pics d’humeur qui créé la catastrophe. Comme beaucoup de mauvaises décisions, c’est un acte pris sur le coup dans un moment où l’on ne se sent pas bien. Si on laissait 14 jours pour se rétracter d’un suicide, je pense que beaucoup se rétracteraient. Car même si le terreau qui a provoqué le suicide est toujours présent, il y aura pendant ces 14 jours des moments de bonheur (ou de moins grands malheurs) qui ne donneront plus l’envie de passer à l’acte. C’est ça pour moi les œillères du suicide : on perd de vue « the big picture » et on fuit vers une solution qui n’en ait pas une.

 

Je n’imaginais pas toutes les conséquences liées à un suicide. Cela pourra paraître un peu égocentrique comme vision, car on s’éloigne de la perspective de la personne qui souffrait, mais l’objectif est de montrer comment toutes nos vies sont liées entre elles et comment une décision qui pourrait être personnelle affecte en fait tout un entourage :

  • Déjà je pense qu’il est très rare qu’une personne soit vraiment seule. On a parfois peu d’amis, des mauvaises relations avec sa famille, etc. Mais  je pense qu’être un ermite complet sans relation sociale, cela reste une exception. Et bien entendu, toutes ces personnes qui sont en connexion avec nous vont forcément souffrir de cette disparition.
  • En particulier, je pense qu’on n’a pas toujours des relations régulières avec notre entourage (encore moins avec les personnes qu’on connait depuis très longtemps), mais cela ne veut pas dire qu’on ne compte pas pour eux. Je pense que le « loin des yeux, loin du cœur » est beaucoup trop simple pour représenter la complexité des relations humaines. Tous les moments vécus entre deux personnes ont une valeur incalculable et nous marque parfois pour toujours. En coupant ces connexions par la mort, c’est des joyaux de vie qu’on détruit. Et plus ces connexions étaient anciennes et longues, plus la coupure est difficile pour ceux qui restent.
  • Toutes ces connexions laissent en plus un goût amer dans la bouche. Comment cela a-t-il pu arriver ? Qu’est-ce qui a pu se passer dans sa tête ? Qu’est-ce qui lui manquait ? Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? Pourquoi est-ce que nous n’avons rien vu venir ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi comme ça ? Pourquoi ??? C’est ces sentiments qu’on ressent quand une personne proche passe à l’acte. On a l’impression d’avoir sa part de responsabilité. On a une incompréhension de l’acte et on a un sentiment d’être rejeté par l’autre, qu’il ne veut plus de nos connexions. Tout ça fait mal.
  • Enfin, il y aussi tout bonnement le côté pratique du suicide. Est-ce qu’on pense réellement aux proches qui devront nettoyer les lieux après la mort ? Au fils qui trouvera le corps en décomposition en rentrant chez sa mère un week-end ? Au chien qu’on laisse sans nourriture ni eau jusqu’à potentiellement sa mort ? Tout ça, on n’y pense pas en se suicidant. Pourtant, c’est bien des conséquences directes de ce « choix » « personnel ».

 

Bref, chère tata, comme tu peux le voir, tu ne pars pas seule. Les remous de ton départ nous frappent de plein fouet et la tempête n’est pas prête de se calmer avant plusieurs années. Je sais à quel point tu dois maintenant regretter ton acte et ça me rend encore plus triste pour toi. Avec la vie, il n’y a malheureusement pas de deuxième chance.

 

Pour me recentrer un peu sur nous deux, je ne peux pas dire que j’étais extrêmement proche de toi. A cause de notre différence d’âge, tu es et restera une sorte d’inconnue pour moi. Mais ta mort m’affecte plus que ce que je n’aurais pensé. Tu nous as quittés sans nous prendre en compte et je t’en veux un peu pour ça. Je me rends bien compte que ce n’était pas vraiment un choix et que tu étais avant tout malade et prisonnière d’une situation qui te dépassait. Ça m’attriste de me savoir impuissant par rapport à tout ça. Ça m’attriste aussi de voir tout ce que tu as laissé derrière. Et le fait que personne ne comprendra vraiment ton acte rend la chose encore plus difficile.

Comme je ne sais pas si je pourrais te faire un dernier discours en public, je t’écris ces quelques mots : « Tu vas me manquer. J’entends encore ta voix raisonner dans ma tête et je repense à toute cette énergie que tu distribuais au quotidien. Merci pour tout ça. Je t’aime et je penserai à toi ».